Par Guy Dartiailh.
Le 22 septembre dernier, le gouvernement a annoncé vouloir instaurer un nouveau prélèvement sur le chiffre d’affaires des distributeurs de tabac, qui pourrait rapporter 100 millions d’euros par an à l’État. En discussion au Parlement, cette nouvelle taxe pose question : le prix du tabac va-t-il une nouvelle fois augmenter en France ?
Pour Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, cette mesure ne devrait entraîner qu’une augmentation limitée du prix du paquet, de l’ordre de 10 à 20 centimes, « et même probablement moins », a-t-il déclaré en séance plénière le 16 novembre dernier. Il ajoute faire « le pari que, avec le lancement simultané du paquet neutre, les fabricants peuvent absorber cette taxe ».
Un pari fou et irréalisable
Un pari aussi fou qu’irréalisable alors qu’il est évident que les fournisseurs de tabac, Logista (le distributeur principal en France) et une trentaine d’autres petites entreprises, vont répercuter cette hausse des taxes sur les fabricants de tabac qui vont de leur côté avoir du mal à l’absorber sans augmenter leurs prix.
Ainsi, cette nouvelle taxe sur le chiffre d’affaires revient de fait à une hausse de prix dissimulée. Elle va donc à l’encontre des promesses faites par Michel Sapin lors du débat entourant le paquet neutre, qui précisait il n’y a pas si longtemps qu’il « n’[était] pas question » d’augmenter une nouvelle fois les prix.
Il expliquait alors que pour une mise en place du paquet neutre « dans les meilleures conditions possibles », il fallait éviter de lui adjoindre une nouvelle hausse. En faisant porter la charge de cette hausse aux cigarettiers, il réalise un tour de passe-passe assez grossier afin de détourner l’attention du mensonge inélégant qu’il a fait à toute la filière tabac, y compris aux buralistes qui lui accordaient leur confiance.
Paquet neutre et hausse de la fiscalité du tabac
Paquet neutre et hausse de fiscalité : la conséquence de l’addition de ces mesures ne sera pas une baisse de la prévalence tabagique, mais un report massif des consommateurs sur le marché parallèle, et notamment vers les pays voisins. Rappelons que la France est entourée de pays vendant un paquet entre 4 et 6 euros, certains pays de l’Union européenne descendant même jusqu’à moins de 2,50 euros.
En 2015, 7.7 milliards de cigarettes provenaient déjà d’achats faits à l’étranger. De surcroît, cette nouvelle hausse risque bien de s’avérer contre-productive, tant pour les caisses de l’État (qui prélèvera moins de taxes du fait de la baisse des ventes sur son territoire) que pour celles des buralistes.
Comme si cela ne suffisait pas, une hausse des taxes de 15 % sur le tabac à rouler est également en discussion au parlement. De cette façon, le gouvernement souhaite aligner la fiscalité du tabac à rouler sur celle des cigarettes manufacturées. Là encore, il est difficile d’imaginer que les fabricants puissent complètement absorber cette taxe sans augmenter leurs prix. La hausse tournerait concrètement autour de 1,30 à 1,50 euro le paquet, selon les marques, soit la hausse la plus importante jamais imposée en France.
Contre les recommandations des organismes internationaux
La structure fiscale sur le tabac fait que plus le prix d’un paquet de tabac à rouler est élevé, plus l’augmentation le sera. Cette décision est donc en contradiction totale avec les recommandations en la matière des organisations internationales, comme l’OMS, la Banque Mondiale, ou encore des ONG comme Smoke Free Partnership. Ces dernières soulignent toutes qu’une augmentation proportionnelle est de nature à favoriser les prix les moins élevés, notamment dans un marché où le paquet neutre est imposé, car le seul repère qui reste est le prix.
Une hausse de prix aussi sensible a toujours poussé les fumeurs à chercher des alternatives moins chères – en particulier pour le tabac à rouler comme il est généralement le recours des populations aux revenus les plus limités. Étant les plus impactées par cette hausse, elles seront les premières à chercher une autre solution : les fumeurs de cigarettes roulées se rabattront sur les marques les moins chères.
Or les recettes de l’État, mais aussi celles des buralistes sur la vente de tabac à rouler, sont elles-mêmes proportionnelles aux ventes. Autrement dit, si autant de paquets sont vendus à un prix moindre, l’État et les buralistes sont perdants. Là encore, les mesures préconisées par le gouvernement risquent d’avoir un impact opposé à celui attendu.
Lors de l’annonce de ces deux taxes sur Europe 1, Christian Eckert avait pourtant rappelé que les prix du tabac sont tels en France que toute augmentation entraînera irrémédiablement une nouvelle hausse des achats effectués sur le marché parallèle, qui atteint déjà un niveau record. Une contradiction de plus entre les discours faits au grand public et les lois proposées par le gouvernement.
Cet article Des mesures antitabac contradictoires et improductives est paru initialement sur Contrepoints - Journal libéral d'actualités en ligne